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mercredi 27 novembre 2013

Le Parti Libertarien (PLIB), ou le manifeste du culte de la liberté et de la propriété de soi ?


 
(Pour les pressés, les impatients, tout est prévu : synthèse et résultats de l’analyse sur le programme électoral du PLIB au point 3)


Par
Grégory Piet
Science politique, Université de Liège
@grgpiet


Débuter notre chronique politique en vue des élections de 2014 par le Parti Libertarien (PLIB) n’a pas de significations particulières. Comme tout bon manuel de pratique de l’enquête vous l’apprendra, il faut bien commencer quelque part et le plus tôt sera le mieux – ça, c’est de nous. Il nous fallait donc partir d’un parti politique belge – le PLIB était la première « victime » toute désignée – et, qui plus est, un parti politique pour lequel nous disposions déjà d’un programme électoral en vue des prochaines élections de mai 2014. Vendu !

Pourtant commencer par le PLIB ne nous simplifiait pas la tâche, que du contraire. Jeune parti politique fondé en novembre 2012, nous ne savions absolument rien de lui, sauf qu’il dispose un programme politique et qu’il devrait se présenter aux élections de mai 2014 s’il récolte suffisamment de signatures. Donc, pour le moment, la littérature belge de science politique – et plus particulièrement, la littérature sur les partis politiques – est vierge de tout écrit à son propos. Nous avancions sans filet... quoique.

1. Libertarien, à droite de l’échiquier politique ?

Libertarien, libertaire, libéral…? La tâche, au lieu de se simplifier, se complique, au contraire, lorsqu’en parcourant rapidement le site du PLIB, nous tombons sur une coupure de presse présentant le parti dans La Libre Belgique du 30 juillet 2013. L’article intitulé La droite “décomplexe” veut la peau du MR présente sommairement le PLIB comme suit :
« Atypique. Inspiré par un courant politique venu des USA, le Parti libertarien est atypique parmi les petits partis de droite. “Il est à la droite de la droite mais dans la doctrine ultralibérale. Partisan de la liberté en tout et à tout prix, le Parti libertarien défend un libéralisme radical en matière économique (suppression des impôts, sauf la TVA), est en faveur de la dépénalisation des drogues et défend la liberté religieuse inconditionnelle. Mais aussi la liberté d’immigration! Ses positions sont diamétralement opposées à l’extrême-droite” (Manuel Abramowicz de Résistance.be, le web-journal de l’Observatoire belge de l’extrême droite) ».

Libéral, libertarien, libertaire…? C’eut été trop simple, voire trop simpliste. Le lendemain, le PLIB demande à La Libre Belgique de publier un correctif sur la présentation faite de son parti et de son refus d’être positionné sur un axe gauche-droite :
« Nous ne sommes pas à “la droite de la droite” et, à vrai dire, nous ne sommes même pas à droite, considérant que choisir entre la droite et la gauche revient à choisir les libertés à abandonner ». Et d’ajouter : « Défendant la liberté et les droits de tous les individus, nous ne partageons en rien les positions de certains des partis cités en matière d’immigration ou de liberté religieuse, bien au contraire, ces partis se trouvent être nos premiers adversaires sur ces terrains ».

Axe gauche/droite ? Revenons rapidement sur plusieurs aspects qui nous semblent importants en politique belge et que nous réfutons tout de go : « non, l’axe gauche-droite n’est pas une réalité belge ». A force de lire en français, d’écrire en français, d’entendre le français, de penser en français, on en deviendrait presque Français :
« Il s’agit de demander à des collègues étrangers [autres que Français] de ranger arbitrairement leurs partis nationaux le long d’un axe décimal gauche-droite. Outre son caractère statistique plus que douteux, ce procédé présuppose que les mots gauche et droite revêtent partout le même sens, ce qui est faux » (Seiler, 2011 : 76). Et d’ajouter : « Ainsi les Français s’entêtent à lire la vie politique des autres à travers le prisme d’une dichotomie droite/gauche qui ne convient qu’à la France » (Seiler, 2011 : 115).

En soi, le PLIB avait donc raison de refuser son cantonnement sur cet axe gauche/droite inopérant en Belgique, et ce, pour plusieurs raisons. Premièrement, s’il est admis de considérer la sécurité sociale comme de gauche et l’immigration comme de droite, comment classer une préférence politique comme l’environnement, l’énergie, le développement local, la santé ? A gauche toute pour l’environnement ? Deuxièmement, la question de la « mesure » de ce qui est de gauche ou de droite dans les arguments politiques est centrale car la manière dont argumente le MR ou le PS, par exemple, sur la sécurité sociale pourrait s’avérer diamétralement différente. Il conviendrait, dans ce cas, d'analyser phrase par phrase les programmes électoraux et leur donner une valeur (“+” et “-”) afin de savoir ce qui revient à la gauche et ce qui revient à la droite dans l’argumentaire. Le MR pourrait très bien être considéré alors de gauche dès qu’il défendrait un refinancement de la sécurité sociale. Troisièmement, les préférences vis-à-vis de certaines politiques tendent à se différencier au nord et au sud du pays, ce qui donnerait des valeurs ainsi différentes sur un axe gauche/droite qui réduirait le caractère comparable entre les deux groupes linguistiques à une peau de chagrin. Nous préférons, à l’axe gauche/droite, l’approche par les clivages politiques et les familles politiques (libérale, socialiste, chrétienne et écologiste) que nous pouvons aisément identifier en Belgique (voir, à ce sujet, Lipset, Rokkan, 2008 ; Sartori, 2011 ; Delwit, al., 2011 ; Dandoy, al., 2013). Cette approche décrit, en effet, clairement un processus d’émergence historique d’un système politique comme le nôtre, son évolution, la construction politique des partis basée sur un modèle explicatif, les clivages (Centre-périphérie, Etat-Eglise, Agriculture-industrie, Possédant-travailleur) qui se sont constitués historiquement au travers de moments critiques et d’enjeux particuliers. Ces clivages se répartissent autour d’un référentiel espace/temps autour de deux axes (territorial et fonctionnel) et de deux temps révolutionnaires (révolution national et révolution agro-industrielle).

2. Libertarien, famille politique libérale

PLIB, pas de droite, certes, mais de famille libérale, tout de même ? Fort de ce constat, nous nous plongeons donc dans l’analyse comparée proposée par Seiler et la classification des différents partis politiques appartenant à la famille libérale. L’auteur distingue cinq variantes de libéralisme au sein de cette famille politique :
(1) le libéralisme démocratique : identifiable dans des pays européens comme les Pays-Bas, le Danemark, la Norvège, la Grande-Bretagne ou la Suisse protestante, ce courant est « la forme la plus ancienne de libéralisme » (Seiler, 2011 : 115). Il trouve ses origines dans « un mouvement social issu de la mobilisation de la bourgeoisie [] contre le pouvoir royal, le mercantilisme, les privilèges de la noblesse et l’Eglise établie et, partant, pour le gouvernement représentatif, l’économie de marché, l’égalité des droits et la liberté religieuse » (Seiler, 2011 : 115).
(2)  le libéralisme catholique : identifiable en France, en Italie, au Luxembourg, en Allemagne, aux Pays-Bas et en Suisse. Nous le retrouvons également en Belgique associé aux partis catholiques. Le libéralisme catholique tente ici de « concilier le libéralisme politique – jusque, et y compris, une certaine séparation de l’Eglise et de l’Etat – et le libéralisme économique avec l’enseignement de l’Eglise » (Seiler, 2011 : 116-117).
(3) le libéralisme laïc et anticlérical : identifiable en France, au Luxembourg, en Italie, en Espagne ou au Portugal, cette forme de libéralisme se confond totalement avec le républicanisme (Seiler, 2011 : 118). Si le pluralisme pouvait caractériser le libéralisme catholique, il s’avère complètement étatique dans le cas du libéralisme laïc et anticlérical. La Belgique a également été traversée par ce libéralisme laïc, essentiellement, jusqu’à la seconde guerre mondiale. A partir des années 1960, le libéralisme démocratique devient toutefois la courant majoritaire chez les libéraux belges.
(4) le national-libéralisme : identifiable historiquement essentiellement en Allemagne, en Autriche et en Suisse, il se caractérise par un très fort sentiment nationaliste et anti-catholique. En Allemagne, le national-libéralisme perdra de son ampleur au fur et à mesure de l’émergence du parti nazi et disparaîtra avec le nazisme après la seconde guerre mondiale. On retrouve encore aujourd’hui cette forme de national-libéralisme en Autriche au sein du parti libéral d’Autriche (FPÖ) qui se veut nationaliste, anti-européen et xénophobe.
(5) le social-libéralisme : A l’opposition du courant national-libéralisme, le social-libéralisme se veut défenseur de la justice sociale et souhaite que l’Etat, au cœur de la politique économique, joue son rôle de régulateur.

Aucune des variantes du libéralisme en Europe ne correspond à ce que nous lisons dans la description du Parti Libertarien, à savoir : la liberté comme structure de la société, la droit à la propriété de soi et une forme d’individualisme exacerbée. Nous nous tournons donc vers d’autres horizons, notamment, anglo-saxons, et trouvons « Libertarian » (Rothbard, 2002 ; Otsuka, 2006 ; Nozick, 2008). De manière synthétique, le courant libertarien met l’accent sur un droit inaliénable à la propriété de soi (entendu comme le contrôle absolu de sa vie, de son esprit et de son corps). La pensée est assez bien présentée par l’un de ses auteurs pour qu’il soit intéressant de la reprendre entièrement :
« Beaucoup à droite comme à gauche (et pas seulement les libertariens) insistent sur le fait que les individus ont des droits absolus au contrôle de leur corps qui interdisent que celui-ci soit utilisé comme un instrument en étant forcé de donner leurs organes vitaux, comme le cœur ou le foie, ou leurs organes ou des produits corporels non vitaux, comme un œil ou un rein, du sang ou de la moelle osseuse. Ils insistent aussi sur le fait que les individus ont des droits absolus qui s’opposent à ce qu’ils puissent être utilisés comme moyens, en étant forcés, sous peine d’emprisonnement, à travailler pour le bien de leur prochain. Quiconque soutient de tels droits affirme par là un droit à la propriété de soi » (Otsuka, 2006 : 10).

Le mouvement libertarien émerge de mouvements libéraux classiques, essentiellement, en Grande-Bretagne, lors de la révolution industrielle du 16e et 17e siècle et se développe autour des théories politiques et de la philosophie de John Locke (Essai sur l’entendement humain, [1690] 2009 ; Traité du gouvernement civil, [1690] 1999). Ce dernier inscrit sa réflexion dans le droit naturel et les droits individuels des individus (droit à la vie, droit à la liberté, droit à la propriété, etc.) et voit le rôle de l’Etat comme strictement limité à la défense de ces droits des individus. Dans le cas où le gouvernement ne remplirait plus ce rôle de garant, le droit de résistance de chaque individu pourrait être invoqué pour défendre ses propres droits individuels et pour changer ou abolir le gouvernement. Si nous retrouvons clairement ce postulat, cet axiome, relatif au droit naturel dans le Manifeste du parti libertarien de Rothbard de 1973, nous retrouvons également un principe de non-agression comme base du message politique libertarien. Aucun homme ou aucun groupe ne peut agresser une autre personne ou sa propriété :
« The libertarian creed rests upon one central axiom: that no man or group of men may aggress against the person or property of anyone else. This may be called the “nonaggression axiom.” “Aggression” is defined as the initiation of the use or threat of physical violence against the person or property of anyone else. Aggression is therefore synonymous with invasion » (Rothbard, [1973] 2002 : 30).

Toutefois, le « libertarisme » (dans la définition de Otsuka ou également nommé « libertarianisme » dans la définition de Rothbard) peut être distingué en un courant dit « classique » ou « de droite » dans la lignée de Nozick et un courant dit « de gauche » dans la lignée de Otsuka qui se distingue sur la considération même de la propriété de soi et l’allocation des ressources naturelles. La taxation et l’imposition, par exemple, des revenus issus du travail sont vus par les libertariens de droite comme « comparable à du travail forcé » (Otsika, 2006 : 10). Les libertariens de gauche, par contre, considèrent que la taxation sur le revenu peut être juste et respecter le droit naturel des individus s’il s’inscrit dans une obligation contractuelle volontaire établie entre les individus et l’Etat et servant à la réalisation d’un droit égalitaire « compatible à la propriété de soi » (Otsika, 2006 : 11) :
« Je soutiens un principe égalitaire de justice de l’acquisition, selon lequel vous ne pouvez acquérir des ressources du monde qui n’ont jamais été auparavant la propriété privée de quiconque que si, et seulement si, vous en laissez suffisamment pour que tout le monde puisse acquérir une part également avantageuse de propriété terrestre non privée. C’est seulement dans ces conditions que l’acquisition des ressources qui n’étaient à personne, ne désavantage personne » (Otsika, 2006 : 12).

Que faire toutefois lorsque des individus aptes au travail refusent de produire plus que leur seule consommation, nécessaire à leur bien-être ou à celui de leur groupe ? Que faire pour que les personnes non aptes au travail puissent assurer leur subsistance ? À la vision « égoïste » et minimaliste de l’Etat de Nozick, Otsika propose, en l’absence de contribution volontaire, de forcer les personnes aptes au travail de participer à l’effort collectif, à la charge des « coupables d’infractions » :
« l’assistance aux personnes inaptes serait fournie par la seule imposition coercitive des individus aptes qui ont été reconnus, correctement et de façon justifiée, coupables d’infractions. Je soutiens que bien des égalitaristes libéraux s’apercevront que l’on peut développer une justification solide pour une telle imposition des fautifs, dans la mesure où une telle opération viendrait atténuer le caractère contestable de la coercition qui doit être mise en place pour venir en aide aux personnes non aptes, même si cette démonstration est finalement moins forte que celle qui peut être développée en faveur de l’imposition coercitive de tous les individus aptes. Je soutiens également que les libertariens qui rejettent les schémas habituels de taxation redistributive, fondée sur la coercition, ne peuvent résister à la thèse de la taxation des fautifs » (Otsika, 2006 : 17).

3. Le Parti Libertarien en long et en large (ou presque)

Ce serait vraiment dommage de se priver de revenir à un autre moment sur ce parti, sur ses arguments, sur ses discours, etc. Nous présenterons donc ici sommairement nos résultats, histoire d'en laisser pour les prochaines chroniques qui se voudront volontairement orientées vers une comparaison des programmes politiques.

Toutefois, après un exposé qui nous semblait nécessaire pour que chacun puisse se faire une idée du libertarisme/libertarianisme, il convient à présent de confirmer la famille libérale, de situer le PLIB à gauche ou à droite du courant libertarien et enfin, last but not least, présenter les priorités et préférences politiques de ce jeune parti ; préférences et priorités qui nous serviront de base de comparaison tout au long de nos chroniques politiques sur les élections 2014.

Comme nous venons de le présenter, le Parti Libertarien n’est certes ni de gauche, ni de droite – comme aucun partis en Belgique, d’ailleurs, s’il fallait encore le rappeler –, mais s’inscrit historiquement dans un courant de la famille libérale au sens politique, théorique et philosophique du terme. Ce qui se trouve, d’ailleurs, confirmé sur leur site web, suite à la publication de l’article dans La Libre Belgique (précédemment mentionné) :
« A l’inverse, la vocation première du Parti Libertarien n’est certes pas de déforcer le MR. Il se trouve encore certaines voix amatrices de liberté au sein de ce parti – comme au sein d’autres – et le Parti Libertarien ne leur souhaite que du succès » (http://www.parti-libertarien.be/ni-gauche-ni-droite-libres-tout-simplement/).

De même, si nous reprenons les dix engagements du parti, nous retrouvons clairement établis le principe de non-agression, la réduction du rôle de l’Etat, la suppression des impôts, la fin des privilèges, la propriété de soi et la liberté absolu dans tous les domaines (proscrire toute prohibition).

Pour ce qui est de savoir si le PLIB défend plutôt un libertarianisme classique, de droite, à la Nozick, ou de gauche, égalitaire, à la Otsika, la réponse n’est jamais simple et tranchée... Mais si nous devions nous mouiller, nous pourrions dire que le PLIB s’apparente davantage au courant "classique" du libertarianisme, et ce, pour plusieurs raisons. Si nous analysons leur discours politique, au niveau de la sécurité sociale, premièrement, il rejoint l’approche minimaliste de l’Etat de Nozick, mais également, son caractère le plus égoïste en proposant, dans leur programme de « supprimer les politiques de redistribution héritées des vieilles idéologies marxistes » (Programme électoral, novembre 2014, PLIB : 44). Nous retrouvons ici le débat entre Otsika et Nozick sur la redistribution des ressources aux plus faibles et sa prise en charge – volontaire ou forcée – par la collectivité. Et d’ajouter : « Le Parti Libertarien veut supprimer le caractère obligatoire, centralisé et monopolistique de la sécurité sociale afin de permettre à chacun de s’organiser en connaissance de cause et selon ses besoins personnels » (Programme électoral, novembre 2014, PLIB : 43). Deuxièmement, au niveau de la liberté d’entreprendre, de travailler, mais également au niveau des allocations de chômage, le PLIB ne parle pas, comme le fait Otsika, de préserver les plus faibles. Au contraire, il renverse le problème en insistant sur le faite que c’est de la réglementation du travail que vient la source de leur statut de « moins productifs » dans la société, les condamnant à l’inactivité :
 « Le chômage résulte d’une réglementation excessive du travail. On pourra supprimer tout chômage structurel en libérant complètement le marché du travail. La réglementation du travail pénalise les moins productifs, qu’elle est censée protéger, en les condamnant à l’inactivité » (Programme électoral, novembre 2014, PLIB : 43).

Enfin, nous proposons de terminer cette chronique en passant en revue les priorités et préférences politiques du PLIB. Ce qui intéresse ici, ce ne sont plus les idées telles qu’elles sont défendues par le parti, mais les intérêts et préférences qu’il porte aux politiques publiques et aux problèmes publics afin de comprendre comment ce parti leur accorde sa priorité.

Nous utilisons pour ce faire un méthode déjà éprouvée dans l’analyse des programmes électoraux des partis politiques depuis plus de vingt ans (Baumgartner et Jones, 2009 ; http://www.policyagendas.org/page/topic-codebook) et quelque peu adaptée au cas belge (voir http://www.comparativeagendas.info/). 21 thématiques politiques ont été identifiées afin de mesurer les préférences des acteurs politiques reprises dans leurs programmes électoraux (voir tableau ci-dessous).

Nous constatons que, sur les 21 thématiques politiques identifiées, le PLIB concentre près de 73% de son programme électoral à 6 préférences politiques (tableau ci-dessous), toutes (ou presque) ayant une tendance libérale. Ce parti joue donc totalement cette carte jusque dans le choix de ces propres préférences politiques, laissant de côté, quasiment 15 préférences politiques comme l'enseignement, la santé, la politique énergétique, l'environnement, etc. Ce constat est intéressant, et ce, pour deux raisons. Premièrement, nous sommes loin, ici, de la critique parfois adressée aux partis politiques, à savoir: composer des programmes fourre-tout. La répartition des préférences est, au contraire, à l'image des ambitions philosophiques et politiques de ce parti libertarien. Deuxièmement, si ce parti se maintient dans le temps (deux, trois, quatre élections, etc.), il sera intéressant de voir comment évoluent leurs positionnements et leurs priorités. Nous constations, par exemple, qu'Ecolo, lors de ses premières élections, se concentrait également sur peu de préférences politiques (absence de l'enseignement, par exemple) avant de rejoindre les autres partis (PS, PRL, PSC) en proposant des prises de positions plus détaillées et plus argumentées sur l'ensemble des thématiques politiques identifiées. Nous relevons, par exemple, dans le cas du PLIB que 8 thématiques comptent moins de 2% d'intérêt et de préférence politique au sein de leur programme électoral.

Cela étant, il sera très intéressant de pousser la comparaison avec d'autres partis de la famille libérale (sans pour autant négliger la comparaison avec les autres familles politiques belges) au niveau de la répartition de leurs préférences politiques respectives afin de voir où se situe ce parti sur l'échiquier politique belge, aujourd'hui, en 2014.

Finalement, de façon synthétique, nous retrouvons distinctement, dans l'analyse des préférences de ce programme électoral, les concepts-mêmes du libertarianisme, à savoir, que l’Etat se charge des fonctions régaliennes - "et-c'-est-tout", au presque -  :
(1) administrer dans les limitées déjà précisées avec la disparition des fonctionnaires et des acteurs étatiques ;
(2) insister sur le commerce intérieur et le faible rôle de l’Etat, laissant une liberté absolue d’entreprendre aux individus ;
(3) faire respecter les droits naturels et libertés individuelles ;
(4) rendre la justice – principe fondateur du libertarianisme – ;
(5) supprimer l'impôt - à l'exception de la TVA, utilisée pour financer les dernières "activités résiduelles" de l'Etat.

L'Europe est à ce titre une arène politique privilégiée pour le PLIB, car elle permet, d'une part, de dépasser les nationalismes et les frontières étatiques que le parti considère comme inutiles et, d'autre part, de replacer au coeur de son projet la protection de l'individu contre leurs propres gouvernements. N'est-ce pas, d'ailleurs, à ce niveau de pouvoir que souhaite se présenter le Président du PLIB lors les prochaines élections de mai 2014?

Quant aux autres thématiques politiques et problèmes publics identifiés (tableau ci-dessous), ils sont laissés à l’organisation des individus dans le respect le plus strict de leurs droits, libertés et propriété de soi. L’immigration et l’enseignement, par exemple, ne font pas exception :
« L’enseignement public sert délibérément à l’endoctrinement politique, à l’ingénierie sociale et à l’uniformisation des esprits », [] « Le Parti Libertarien veut libérer l’école et prône une autonomie complète des établissements, tant en matière de recrutement que de programmes, d’horaires et d’organisation interne (Programme électoral, novembre 2014, PLIB : 27).































    





Note méthodologique
Cette analyse des programmes électoraux repose sur un logiciel d’analyse de textes, de discours et d’arguments, nommé Prospéro (Chateauraynaud, 2003 ; voir, par exemple, le carnet de recherche du GSPR, développeur de Prospéro, http://socioargu.hypotheses.org/ ainsi que le site dédié au logiciel Prospéro pour une plus longue présentation, http://prosperologie.org/). Pour faire simple, la méthode consiste en la création de 21 répertoires thématiques reprenant l’ensemble des enjeux et politiques publiques identifiables au sein des programmes, sur base du travail préalablement effectué par Baumgartner et Jones (http://www.policyagendas.org/page/topic-codebook) et adapté au cas belge par Stefaan Walgrave et son centre de recherches (M2P, Universiteit Antwerpen). Ces 21 répertoires sont constitués de quelques 10.000 mots et expressions permettant d’identifier et de coder automatiquement les parties d’un texte liées à l’emploi, au logement, à la mobilité, à l’économie, à la politique étrangère, etc. Cet encodage automatique permet ainsi de mesurer les préférences et les priorités des partis politiques au sein de leur programme électoral. Pour une analyse en profondeur d’un enjeu politique et une explication détaillée de la manière de constituer les répertoires de mots et d’expression, voir Piet (2013).






Lectures utilisées

BAUMGARTNER, F. R., JONES, B. D., Agendas and Instability in American Politics, Second Edition, Chicago, University of Chicago Press, 2009.
DANDOY, R., MATAGNE, G., VAN WYNSBERGHE, C., Le fédéralisme belge. Enjeux institutionnels, acteurs socio-politiques et opinions publiques, Louvain-La-Neuve, Academia L’Harmattan, 2013.
Delwit, P., Pilet, J.-B., Van Haute, E., Les partis politiques en Belgique, coll. « Science politique », Editions de l’Université de Bruxelles, 2011.
LIPSET, S. M., ROKKAN, S., Structures de clivages, systèmes de partis et alignement des électeurs : une introduction, Editions de l’Université de Bruxelles, 2008.
Locke, J., Traité du gouvernement civil, Paris, Flammarion, 1999.
Locke, J., Essai sur l’entendement humain, Paris, Le Livre de Poche, 2009.
NOZICK, R., Anarchie, Etat et utopie, Paris, Presses Universitaires de France, 2008.
Otsuka, M., « Comment être libertarien sans être inégalitaire », Raisons politiques, vol. 3, n° 23, 2006, 9-22.
Rothbard, M. N., For a New Liberty. The Libertarian Manifesto. Revised Edition, London, Collier Macmillan Publishers, [1973] 2002.
SARTORI, G., Partis et systèmes de partis. Un cadre d’analyse, Editions de l’Université de Bruxelles, 2011.
SEILER, D.-L., Clivages et familles politiques en Europe, coll. « Science politique », Editions de l’Université de Bruxelles, 2011.




3 commentaires:

  1. N'oublions pas le lien vers le programme :) http://www.parti-libertarien.be/intro_programme/

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  2. Très bon travail. J'ai été surpris d'en apprendre plus sur mes propres idées.
    L'analyse est fine et objective, correctement détaillée et bien résumée. J'aime beaucoup.

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    1. merci pour votre commentaire. C'est en effet l'un des objectifs de ce blog: proposer des analyses fines et objectives permettant à chacun de se faire une opinion.
      L'objectif est également de donner à tout le monde la possible de connaître les préférences politiques de chaque parti se présentant aux prochaines élections. Il n'est, en effet, pas toujours aisé, dans un programme électoral oscillant entre 40 et 400 pages, d'identifier les priorités du message politique des partis.
      Nous espérons ainsi y contribuer quelque peu.
      Enfin, c'est aussi mettre, à la disposition de tous, nos résultats de recherches en science politique pas assez souvent accessibles, à notre goût.

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